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基督山伯爵中法對照33(法)E

  « Derrière elle Luigi repoussa la pierre, car il venait d'apercevoir, sur la crête d'une petite colline qui empêchait que de la place où il était on ne vit Palestrina, un voyageur à cheval, qui s'arrêta un instant comme incertain de sa route, se dessinant sur l'azur du ciel avec cette netteté de contour particulière aux lointains des pays méridionaux.

  « En apercevant Luigi, le voyageur mit son cheval au galop, et vint à lui.

  « Luigi ne s'était pas trompé ; le voyageur, qui allait de Palestrina à Tivoli, était dans le doute de son chemin.

  « Le jeune homme le lui indiqua ; mais, comme à un quart de mille de là la route se divisait en trois sentiers, et qu'arrivé à ces trois sentiers le voyageur pouvait de nouveau s'égarer, il pria Luigi de lui servir de guide.

  « Luigi détacha son manteau et le déposa à terre, jeta sur son épaule sa carabine, et, dégagé ainsi du lourd vêtement, marcha devant le voyageur de ce pas rapide du montagnard que le pas d'un cheval a peine à suivre.

  « En dix minutes, Luigi et le voyageur furent à l'espèce de carrefour indiqué par le jeune pâtre.

  « Arrivés là, d'un geste majestueux comme celui d'un empereur, il étendit la main vers celle des trois routes que le voyageur devait suivre :

  « - Voilà votre chemin, dit-il, Excellence, vous n'avez plus à vous tromper maintenant.

  « - Et toi, voici ta récompense », dit le voyageur en offrant au jeune pâtre quelques pièces de menue monnaie.

  « - Merci, dit Luigi en retirant sa main ; je rends un service, je ne le vends pas.

  « - Mais », dit le voyageur, qui paraissait du reste habitué à cette différence entre la servilité de l'homme des villes et l'orgueil du campagnard, « si tu refuses un salaire, tu acceptes au moins un cadeau.

  « - Ah ! oui, c'est autre chose.

  « - Eh bien, dit le voyageur, prends ces deux sequins de Venise, et donne-les à ta fiancée pour en faire une paire de boucles d'oreilles.

  « - Et vous, alors, prenez ce poignard, dit le jeune pâtre, vous n'en trouveriez pas un dont la poignée fût mieux sculptée d'Albano à Civita-Castellana.

  « - J'accepte, dit le voyageur ; mais alors, c'est moi qui suis ton obligé, car ce poignard vaut plus de deux sequins.

  « - Pour un marchand peut-être, mais pour moi qui l'ai sculpté moi-même, il vaut à peine une piastre.

  « - Comment t'appelles-tu ? demanda le voyageur. « - Luigi Vampa », répondit le pâtre du même air qu'il eût répondu : Alexandre, roi de Macédoine. « Et vous ?

  « - Moi, dit le voyageur, je m'appelle Simbad le marin. »

  Franz d'Epinay jeta un cri de surprise.

  « Simbad le marin ! dit-il.

  - Oui, reprit le narrateur, c'est le nom que le voyageur donna à Vampa comme étant le sien.

  - Eh bien, mais, qu'avez-vous à dire contre ce nom ? interrompit Albert ; c'est un fort beau nom, et les aventures du patron de ce monsieur m'ont, je dois l'avouer, fort amusé dans ma jeunesse. »

  Franz n'insista pas davantage. Ce nom de Simbad le marin, comme on le comprend bien, avait réveillé en lui tout un monde de souvenirs, comme avait fait la veille celui du comte de Monte-Cristo.

  « Continuez, dit-il à l'hôte.

  - Vampa mit dédaigneusement les deux sequins dans sa poche, et reprit lentement le chemin par lequel il était venu. Arrivé à deux ou trois cents pas de la grotte, il crut entendre un cri.

  « Il s'arrêta, écoutant de quel côté venait ce cri.

  « Au bout d'une seconde, il entendit son nom prononcé distinctement.

  « L'appel venait du côté de la grotte.

  « Il bondit comme un chamois, armant son fusil tout en courant, et parvint en moins d'une minute au sommet de la colline opposée à celle où il avait aperçu le voyageur.

  « Là, les cris : Au secours ! arrivèrent à lui plus distincts.

  « Il jeta les yeux sur l'espace qu'il dominait ; un homme enlevait Teresa, comme le centaure Nessus Déjanire.

  « Cet homme, qui se dirigeait vers le bois, était déjà aux trois quarts du chemin de la grotte à la forêt.

  « Vampa mesura l'intervalle ; cet homme avait deux cents pas d'avance au moins sur lui, il n'y avait pas de chance de le rejoindre avant qu'il eût gagné le bois.

  « Le jeune pâtre s'arrêta comme si ses pieds eussent pris racine. Il appuya la crosse de son fusil à l'épaule, leva lentement le canon dans la direction du ravisseur, le suivit une seconde dans sa course et fit feu.

  « Le ravisseur s'arrêta court ; ses genoux plièrent et il tomba entraînant Teresa dans sa chute.

  « Mais Teresa se releva aussitôt ; quant au fugitif, il resta couché, se débattant dans les convulsions de l'agonie.

  « Vampa s'élança aussitôt vers Teresa, car à dix pas du moribond les jambes lui avaient manqué à son tour, et elle était retombée à genoux : le jeune homme avait cette crainte terrible que la balle qui venait d'abattre son ennemi n'eût en même temps blessé sa fiancée.

  « Heureusement il n'en était rien, c'était la terreur seule qui avait paralysé les forces de Teresa. Lorsque Luigi se fut bien assuré qu'elle était saine et sauve, il se retourna vers le blessé.

  « Il venait d'expirer les poings fermés, la bouche contractée par la douleur, et les cheveux hérissés sous la sueur de l’agonie.

  « Ses yeux étaient restés ouverts et menaçants.

  « Vampa s'approcha du cadavre, et reconnut Cucumetto.

  « Depuis le jour où le bandit avait été sauvé par les deux jeunes gens, il était devenu amoureux de Teresa et avait juré que la jeune fille serait à lui. Depuis ce jour il l'avait épiée ; et, profitant du moment où son amant l'avait laissée seule pour indiquer le chemin au voyageur, il l'avait enlevée et la croyait déjà à lui, lorsque la balle de Vampa, guidée par le coup d'oeil infaillible du jeune pâtre, lui avait traversé le coeur.

  « Vampa le regarda un instant sans que la moindre émotion se trahit sur son visage, tandis qu'au contraire Teresa, toute tremblante encore, n'osait se rapprocher du bandit mort qu'à petits pas, et jetait en hésitant un coup d'oeil sur le cadavre par-dessus l'épaule de son amant.

  « Au bout d'un instant, Vampa se retourna vers sa maîtresse :

  « - Ah ! ah ! dit-il, c'est bien, tu es habillée ; à mon tour de faire ma toilette. »

  « En effet, Teresa était revêtue de la tête aux pieds du costume de la fille du comte de San-Felice.

  « Vampa prit le corps de Cucumetto entre ses bras, l'emporta dans la grotte, tandis qu'à son tour Teresa restait dehors.

  « Si un second voyageur fut alors passé, il eût vu une chose étrange : c'était une bergère gardant ses brebis avec une robe de cachemire, des boucles d'oreilles et un collier de perles, des épingles de diamants et des boutons de saphirs, d'émeraudes et de rubis.

  « Sans doute, il se fût cru revenu au temps de Florian, et eût affirmé, en revenant à Paris, qu'il avait rencontré la bergère des Alpes assise au pied des monts Sabins.

  « Au bout d'un quart d'heure, Vampa sortit à son tour de la grotte. Son costume n'était pas moins élégant, dans son genre, que celui de Teresa.

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